Jean Dubuffet

(1901, Le Havre – 1985, Paris)
Peintre français. C’est tardivement, quadragénaire presque autodidacte, qu’il se consacre définitivement à la peinture. Après les séries du Métro (1943) et des Marionnettes de la ville et de la campagne (1943-1944), l’ »entrée en matière » de Mirobolus, Macadam et Cie, Hautes Pâtes (galerie Drouin, 1946) – paysages et effigies anonymes peints en couleurs boueuses – le libère de vingt ans d’errements dilettantes et renouvelle singulièrement, non sans scandale, le vocabulaire « figuratif » de l’époque. Dès lors, sa production exceptionnellement féconde s’ordonne en cycles successifs dont chacun développe une réflexion systématique. L’invention de langages plastiques nouveaux, l’expérimentation constante de techniques inédites ne rompent jamais la cohérence de conception de ce libre itinéraire. Les Portraits (1947) et Corps de Dames (1950-1951) livrent une figuration grossière, sinon outrancière, mais d’une présence souvent envoûtante : graffitis hâtifs, férocement incisés dans l’épaisseur d’une pâte informelle alourdie de sable et gravier, ils incarnent le rejet subversif de toutes les normes et interdits sociaux et esthétiques. Les recherches alors entreprises sur l’art brut indiquent – même si l’assimilation de Dubuffet à ce dernier reste problématique en raison de la haute conscience philosophique qu’il a de sa démarche – les voies d’expression qu’il a élues, dénoncent le caractère répressif de la culture et révèlent la signification sociopolitique d’une œuvre qui s’accomplit parallèlement dans l’écriture de nombreux articles ayant souvent valeur de manifestes et de textes en « jargon » où la graphie « normale » se trouve allègrement bafouée. L’élection précoce de matériaux extra-picturaux réputés indignes (bitume, charbon, sable, mâchefer, etc.) et leur mélange font de Dubuffet une figure majeure des recherches « matiéristes » largement menées après-guerre. Les Sols et Terrains (1951-1952), triturations et malaxages d’une pâte épaisse, pétrifiée en reliefs prononcés, engagent ainsi un cycle de dix ans dévolu à la matière où s’inscrivent épisodiquement les signes rudimentaires d’une présence humaine : Pâtes battues (1953) incisées de figures, Petites Statues de la vie précaire (1954) où la matière brute (débris d’éponge, mâchefer, filasse, vieux journaux) forme l’œuvre entière, assemblages d’empreintes (1955) aux végétations misérables, Texturologies (1956-1958) évocatrices de murs anciens, de bois ou de coupes géologiques exempts de toute organisation spatiale, Matériologies (1959-1960) de papiers mâchés ou froissés et peints, collés sur isorel, de pâtes et de résines, de sables et émiettement de mica. Après des recherches musicales menées avec Jorn, puis seul en 1961, l’œuvre de Dubuffet opère un tournant grâce au long cycle de L’Hourloupe (1962-1974) : des figures allusives de motifs familiers émergent de la fragmentation de la surface, pièces cernées de noir, uniformément rayées de bleu et de rouge, et articulées en un puzzle-labyrinthe dont l’expression fantasque s’est prolongée vers la sculpture (polyester expansé), l’environnement et l’architecture. Les Théâtres de mémoire (1975-1978), patchworks de travaux antérieurs, les Psycho-sites (1981-1982), personnages silhouettés dans un espace vivement coloré, les Mires (1983), graphisme gestuel de lignes bleues et rouges, sur fonds jaunes ou blancs, à la fois librement improvisé et organisé de manière conceptuelle, et enfin, les Non-lieux (1984) sont les principaux moments qui clôturent une œuvre absolument inclassable, transgressant avec ironie les oppositions de la forme et de l’informe, de la figure et de la matière, et dont l’influence sur les générations suivantes, la figuration libre en particulier, est aujourd’hui avérée.

Jardin d'hiver, Dubuffet
Jardin d’hiver est une peinture monumentée de Jean Dubuffet réalisée entre 1969 et 1970 et installée au Centre national d’art et de culture Georges-Pompidou où elle est actuellement conservée1. Cette œuvre a été achetée par l’État en 1973.
Elle fait partie du cycle de L’Hourloupe que Dubuffet a initié entre vers 1961-1962 et dont il poursuivra la réalisation jusqu’à sa mort en 1985, sous forme de peintures, sculptures monumentales, peintures monumentées, peintures animées.


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