Daniel Spoerri

(1930, Galati)
Artiste d’origine roumaine. Après l’exécution de son père par les nazis en 1942, il part en Suisse avec sa famille, et rencontre Tinguely à Bâle dès 1949. Il est d’abord danseur à l’Opéra de Berne (1954-1957) et se consacre ensuite à des activités théâtrales en tant que metteur en scène, acteur, mime et décorateur. Parallèlement, il écrit de la poésie concrète. Installé à Paris en 1959, il crée les éditions MAT et invente ses premiers tableaux-pièges en collant sur des planches les objets quotidiens amassés dans sa chambre d’hôtel. Cette appropriation du réel l’amène à s’intégrer au nouveau réalisme : « Je ne mets, dit-il, qu’un peu de colle sous les objets, je ne me permets aucune créativité », mais les objets ainsi collés, et qui passent du plan horizontal à la verticale, acquièrent une présence insolite. Fixant des étalages des Puces ou des rebuts amassés dans un tiroir, Spoerri rédige sa Topographie anecdotée du hasard (1962), description minutieuse des choses présentes sur une table de sa chambre, enrichie de ce qu’elles suggèrent, et poursuit cette logique du réel transfiguré : ce sont alors les Détrompe l’œil (1963), où des objets réels mettent en cause l’image à laquelle ils sont ajoutés (la Douche : une robinetterie de salle de bains est fixée sur un tableau représentant un torrent de montagne) et, avec Filliou, les Pièges à mots (1964) qui élaborent des montages visuels matérialisant des expressions toutes faites. En 1963, il commence à confectionner des repas à la galerie J (où se tiennent fréquemment les expositions des nouveaux réalistes), alors qu’il est en contact avec Maciunas et Fluxus. En 1968, il ouvre à Düsseldorf un Restaurant Spoerri, puis la Eat-Art Gallery, où clients et artistes sont conviés à confectionner des œuvres comestibles (personnage en pain d’épices de Lindner, sucres d’orge de César). Il utilise les « fins de repas » pour de nouveaux tableaux-pièges, collectionne les recettes de cuisine et les rites gastronomiques extravagants (publication de J’aime les keftédès en 1970). À partir de 1967, dans l’île grecque de Symi, il commence à jouer du caractère magique de l’objet trouvé : ses Conserves de magie à la noix se prolongent au début des années soixante-dix avec des Natures mortes constituées de cadavres d’animaux : le « piégeage » y affirme clairement son rapport ambigu à la mort et à la conservation. Au cours de la décennie suivante, il confectionne des assemblages : formes à chapeaux, hachoirs à viande, instruments orthopédiques, sont transformés en idoles parodiques, dont certaines sont fondues en bronze. Son goût pour les masques et objets cultuels l’amène à ses « objets ethnosyncrétiques », où se rencontrent masques primitifs et rebuts des Puces ou signes religieux : ils constituent simultanément une dérision de toute croyance et des arrangements baroques où s’affirme une fois de plus le refus de toute convention artistique.

Kichka's breakfast I, Daniel Spoerri, 1960
Kichka's breakfast I, Daniel Spoerri, 1960
Le petit déjeuner de Kichka, 1960


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