Frank Stella

(1936, Malden, Massachusetts)
Artiste américain. Il est un des premiers à avoir été entièrement formé, plastiquement et théoriquement, à la pratique de l’art abstrait. Il dissocie progressivement la relation entre abstraction et expressionnisme qui fondait l’expressionnisme abstrait et isole les éléments de la peinture – châssis, toile, couleur, format – pour les réordonner sur un mode opératoire. Avec ses Stripe Paintings, il délaisse la couleur pour une « non-couleur » (en fait un mélange de blanc et de noir) et dès le début des années soixante, il réalise vingt-trois Black Paintings, qui s’affirment comme la première manifestation du Minimal Art. Dans ces toiles noires, le réseau linéaire (lignes en réserve) peut être parallèle aux bords de la toile, inscrit en oblique ou constitué par une association de ces deux dispositifs, et les bandes de peinture ont toujours la même largeur (celle du pinceau) ; elles conservent cependant la trace du geste, si élémentaire soit-il. À partir de 1962, les Shaped Canvas développent certains aspects de ces travaux : la ligne définit des angles droits, qui se répercutent jusqu’aux bords de la toile – sans que l’on puisse décider si c’est le dessin qui se déduit de la découpe du châssis ou l’inverse. En 1965-1966, les Irregular Polygons, qui introduisent polychromie et asymétrie, cassent la rigueur du système : au lieu de continuer dans la voie d’une démarche radicale au terme de laquelle la peinture risque de disparaître par ascèse, Stella choisit de relancer sa propre activité picturale. À partir de 1974, il recourt à toutes les couleurs disponibles – fluorescentes, métalliques – et en explore les combinaisons possibles, et les jeux d’illusions qu’elles déterminent. Travaillant par séries dont chacune explicite certaines possibilités de montages formels et chromatiques, c’est en 1976 qu’il aborde ses peintures en relief, de plus en plus exubérantes et baroques, qui excèdent le plan par addition de formes découpées en carton, tôle, bronze, fixées sur de robustes structures métalliques. Il se préoccupe alors d’une peinture décorative « qui soit réellement viable en termes clairement abstraits. Décorative dans le sens où l’entendait Matisse », mais également totalement maîtrisée. Alors que chaque Relief Painting semble improvisée, elle résulte d’un travail menant d’une esquisse à une maquette puis à une réalisation en atelier, tandis que la couleur elle-même, dont la gestualité peut sembler échapper à toute programmation, est en fait définie comme « un produit manufacturé » – au même titre que l’aluminium plié, les grillages ou les paillettes que Stella utilise également. Ces constructions baroques proposent de surcroît un va-et-vient constant entre des références picturales (Matisse, Léger, Malevitch, Pollock) et une culture « populaire » – couleurs fluo des juke-box et des graffitis, bandes contrastées et pointillés du Pop, éléments volontairement kitsch intégrés dans une recherche de formes. Si leurs dimensions importantes semblent les destiner en priorité aux vastes halls de banques ou d’immeubles commerciaux, Stella y confirme son attachement à une abstraction capable de toutes les métamorphoses, y compris les plus inattendues, pour mieux déployer ses séductions.

Mas o Menos, Frank Stella, 1964
Mas o Menos(plus ou moins), poudre métallique dans émulsion acrylique sur toile 300×418 cm, 1964


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