Le Réseau Galeries/ Multilangages de l’Art

Dans le cadre de sa politique de diffusion des œuvres de la Collection Frac Rhône-Alpes en direction des publics scolaires, l’Institut d’Art contemporain a mis en place un programme d’expositions et d’interventions d’artistes dans les collèges et lycées de la région Rhône-Alpes. Le programme Réseau Galeries/ Multilangages de l’Art a pour objectif de favoriser la rencontre entre des élèves, des enseignants, des artistes et des œuvres.
Le collège de Saint-Jean d’Aulps bénéficie pour cette année scolaire 2002-2003 de ce programme et expose une œuvre de Xavier Veilhan, la Clairière, 1998 (Xavier Veilhan, né en 1963 à Lyon, vit à Paris).

Montage de la Clairière

Xavier Veilhan fait partie de la génération d’artistes français qui émerge au début des années quatre-vingt-dix.
Avec des dispositifs utilisant la peinture, la photographie et la sculpture, il travaille sur la notion de figuré et d’image (sa nature, sa fonction), sur des modélisations du réel. Il invite le spectateur à se questionner par l’expérience, sur ce qu’est voir, sur les codes de représentation et notre rapport au réel.
Il s’inspire d’éléments génériques immédiatement reconnaissables (personnages, objets, animaux, etc. ) dont il simplifie les formes en utilisant un procédé numérique (le statut de ces images flotte entre celui de la photographie, de l’informatique et de la peinture).
Xavier Veilhan définit ainsi sa démarche : « Mon travail est une tentative de compréhension de la réalité au travers de ses formes génériques. Les peintures murales (ou autre support), la mise en scène la photographie, la sculpture ou toute autre forme en deux ou trois dimensions sont tour à tour utilisées pour définir la surface de cette réalité, en isolant la surface on ne montre que mieux son essence (…) ».

Œuvre panoramique constituée de 19 panneaux disposés en forme de cercle ou d’ellipse avec une entrée.
Photographie couleur retraitée recto/verso selon un procédé numérique, plastifiée, châssis en bois, tendeurs en aluminium et métal.

14 panneaux de 140 x 300 cm
4 panneaux de 136 x 300 cm
1 panneau de 100 x 300 cm

Tirage unique

Le montage des photographies a été réalisé par Laurent Pinon, le tirage numérique par l’Atelier De Broca, Paris.

L’œuvre a été produite dans le cadre de l’exposition :
Côté Sud… Entschuldtigung, Institut d’Art contemporain, Villeurbanne, et l’agencement pour la présentation a été conçu par Stéphane Emptaz, Patrick Ferragne et Pierre-Antoine Héritier.

La scène figure une sorte d’enterrement. Un cow-boy gît à terre dans la forêt. Un corbillard tiré par un cheval et conduit par un squelette approche. D’autres cow-boys semblables au premier assistent à la scène. Plus loin, un groupe de singes s’affaire. Tous ces personnages sont à l’échelle 1 / 1. L’image est constituée d’objets et de personnages réalisés en modèles réduits : corbillard, squelette, et d’objets ou de sujets réels (déguisés) : forêt, cow-boys, singes.

Analyse succincte de l’œuvre

Structure :
Panneaux disposés en forme de cercle avec une entrée :
arène, cirque, cercle, cycle, révolution, pièce ronde, pièce ovale, bulle, panoramique, 360°, horizon, installation, architecture, circulation, cheminement, lecture, confrontation

Médium :
Photographie couleur numérique (retraitée) sur châssis :
photo/ peinture, image numérique, image virtuelle, dématérialisation du médium, TICE

Image :
mise en scène, pose, théâtre, décor, déguisement, artifice, trucage,
image de synthèse, image générique, apparence, vraisemblance, ressemblance, illusion, vrai/faux
figuration, narration, saynète, bande dessinée, photo-roman, praxinoscope, ruban/film.

Références possibles :
Lapwing Redwing Fielfare de John Coleman (1992),
les Ombres de Christian Boltanski (1986),
Plight de Joseph Beuys (1958-1985),
Riot de Tony Cragg (1980),
la Ville lisible de Jeffrey Shaw (1989-1991),
Lovers de Teji Furuhashi – Dumb Type (1995),
les vidéos de Bill Viola et les peintures hyperréalistes de Gerhard Richter.

L’implication des élèves

En rapport avec la venue de cette œuvre, Arno Piroud, jeune plasticien lyonnais, propose une série d’interventions au sein de l’établissement scolaire.

Présentation du projet des interventions d’Arno Piroud

Le collège Henri Corbet se situe au milieu de la Vallée d’Aulps, assez proche de Morzine. II accueille les élèves venant de la vallée. Cet environnement montagnard favorise les activités physiques et son attrait touristique offre un potentiel culturel. La plupart des élèves sont énergiques et éveillés.

Le collège se compose d’un bâtiment central principal et de plusieurs extensions. Sa hauteur varie de deux à trois étages. La toiture est découpée sur plusieurs niveaux. Ces toits à pentes variables ménagent des ouvertures sur l’extérieur assez singulières et un grand nombre de cadrages sur l’environnement extérieur nous est proposé au travers de fenêtres, velux, baies et autres lucarnes.

Le projet d’Arno Piroud propose aux élèves une prise de recul, une lecture différente du collège au quotidien, une remise en question sur l’espace et l’environnement qu’ils côtoient tous les jours.

Il s’articule sur l’incitation Évasion/ Invasion. Ludique, elle offre une grande liberté d’interprétations, et la possibilité d’intervenir sur le bâtiment même stimule d’autant plus les collégiens.

L’adhésif choisi comme matière première semble un bon parti pris, dans le sens où son utilisation est simple et peu coûteuse pour un résultat qui a toujours de l’éclat.

La création d’une œuvre in situ trouve une justification dans la situation géographique du collège. L’intervention naît avant tout du contexte : la qualité des paysages et les spécificités architecturales du bâtiment (notamment ces ouvertures sur l’extérieur) induisent des formes, des images. Elle souligne les caractéristiques environnementales tout en les mettant en scène. Ici, Arno Piroud envisage l’utilisation de personnages emblématiques (envahisseurs), tels que les super héros de comics. Les élèves peuvent s’identifier à eux, et par ce biais, peuvent réaliser symboliquement des actions perturbatrices et envahissantes.

Visite du collège, repérage des lieux intéressants

Choix d’un super héros induit par le lieu choisi, simplification du personnage, report du dessin sur un adhésif de couleur puis découpage

Mise en place des adhésifs sur les fenêtres et les portes vitrées

Les super héros ont trouvé leurs places, le bilan de l’intervention d’Arnaud Piroud

Ce travail a été mis en place cette année avec une classe de sixième et une classe de troisième sous la direction conjuguée de l’intervenant et de l’enseignant d’arts plastiques.
Il s’est déroulé de février à mars 2003 à raison de 4 séances de 2 heures pour chaque groupe, l’enseignant assurant la continuité des travaux pendant les séances intermédiaires.
L’objectif principal était de proposer une lecture différente du collège au quotidien, de remettre en question l’espace et l’environnement que les élèves côtoient tous les jours, de les sensibiliser à une nouvelle vision que l’on peut avoir d’un espace d’enseignement, d’un environnement montagnard, de créer une perturbation positive.

Déroulement en quatre étapes :

Première phase : exposé de la démarche artistique d’Arno Piroud, proposition de travail, choix d’un super héros induit par un lieu spécifique du collège – une ouverture : fenêtres, velux, baies, lucarnes
deuxième phase : simplification du personnage : réduction à une silhouette, position du corps en rapport avec les spécificités du lieu choisi
troisième phase : report du dessin sur un adhésif de couleur puis découpage
dernière phase : mise en place de la silhouette, prise de vue.

Un plus

L’assiduité des élèves et leur intérêt manifeste ont permis l’aboutissement total du projet grâce au très fort investissement de chacun.
Cette implication personnelle a également créé un climat de confiance dans la classe et favorisé ainsi la découverte interindividuelle, la manifestation et la prise en compte des talents particuliers, la communication avec les adultes responsables du projet.
L’exposition du travail au regard de tous a valorisé les élèves ayant participé au projet.
Cette intervention au sein de l’établissement a facilité la diffusion de l’art actuel et a participé à une meilleure compréhension des démarches artistiques contemporaines.

La fiche

Public concerné : 1 classe de 6e et 1 classe de 3e
Date : de janvier à mars 2003
Lieu : travail in situ en rapport avec les ouvertures (fenêtre, velux, porte, cadre)
Technique : découpe adhésive, collage silhouette (autres techniques possibles)
Notions et questions abordées : travail in situ, installation, figuration, cadre/hors-cadre, détournement
Références artistiques : Ernest Pignon-Ernest, George Rousse, Daniel Buren, Hans Haacke, Krzysztof Wodiczko, Barbara Kruger, Jenny Holzer
Durée : 17 H sur 4 demies journées d’intervention :
rencontre avec les professeurs 1H, premier contact avec les élèves 2H (x2),
mise à plat des recherches, mise en place du projet : forme à donner, photomontage… 2H (x2),
réalisation, choix des couleurs des adhésifs, découpage, problème technique… 2H (x2),
dernières retouches, accrochage, prise de vue 2H (x2),
visite vernissage (parents, professeurs, élèves) 1H.

Mardi 4 février 2003 : arrivée sous la neige de l’œuvre de Xavier Veilhan

Dans le même temps, tous les élèves des classes de troisième réalisent un journal de l’œuvre. Il se compose de trois grandes parties : l’arrivée de l’œuvre, l’exposition au collège, les réactions des visiteurs.

Ils étaient là, bien là, sous nos yeux, dans leurs caisses de protection, les dix-neuf panneaux de la Clairière de Xavier Veilhan. Au collège, nous étions tous impatients de les découvrir d’autant plus que les fortes chutes de neige occasionnèrent de gros retards dans l’organisation de la journée.

Jeudi 6 février 2003 : Médiation de Jean-Marie Boizeau.

Le travail de médiation auprès des classes du collège dura toute la journée. La plupart des élèves visitaient pour la première fois une exposition d’un artiste contemporain et malgré les préjugés concernant l’art d’aujourd’hui, ils étaient tous ravis.

Mardi 11 février 2003 : Vernissage, c’était le carton plein.

Tout le petit monde de la Vallée était au rendez-vous.
Une petite centaine d’invités avait fait le déplacement pour assister au vernissage de l’exposition « Réseau Galeries/ Multilangages de l’Art » dédiée aux deux œuvres de Xavier Veilhan, Sans titre, 1989 et La Clairière, 1998.
En attendant le médiateur de l’IAC perdu sur les routes sinueuses de la Vallée, Olivier Broise, le professeur d’arts plastiques du collège présenta la singularité et l’importance de ces deux œuvres et expliqua la démarche de l’artiste tout en la replaçant dans le contexte artistique contemporain. Madame Lemaire, le principal du collège rappela les forts enjeux culturels de la manifestation et remercia les partenaires institutionnels soutenant le projet et plus particulièrement Monsieur Bouchet, le conseiller régional présent au vernissage. Arno Piroud, jeune artiste designer urbain présenta son projet Évasion/ Invasion, série de quatre interventions en relation avec l’exposition Xavier Veilhan. Jean-Marie Boizeau, le médiateur de l’IAC conclut les discours en soulignant l’importance du partenariat offert par « Réseau Galeries /Multilangages de l’Art ».
Le buffet savoyard était maintenant ouvert et ce fut autour d’un petit blanc que la soirée se poursuivit dans une chaleureuse convivialité.

Jeudi 27 février 2003 : Récit d’expérience, compte-rendu des interventions jusqu’à ce jour.

Ce court texte présente l’expérience « Réseau Galeries/ Multilangages de l’Art » menée avec des élèves de 6e et de 3e au collège. L’œuvre choisi par l’I.A.C. répond à plusieurs objectifs pédagogiques du projet culturel de l’établissement :
la volonté d’ouvrir le collège à l’art d’aujourd’hui,
e travail de perceptions,
l’expression orale,
la rencontre avec une œuvre artistique.

Avant l’arrivée de la Clairière au collège, nous avons voulu préparer en classe l’exposition en travaillant le vocabulaire spécifique à cette œuvre de Xavier Veilhan : figuration, représentation, reproduction, image, illusion, ressemblance, vraisemblance, narration…

Les régisseurs de l’I.A.C. ont amené l’œuvre jusqu’à Saint-Jean d’Aulps le mardi 4 février ; l’installation ayant duré deux jours, les élèves n’ont pu accéder à la salle d’exposition que le jeudi 6 février en présence de Jean-Marie Boizeau, médiateur de l’I.A.C. .
Première approche étonnante que la découverte de la Clairière de Xavier Veilhan. D’autant plus, que pour accéder à l’intérieur de l’œuvre, il faut passer par l’envers du décor : on ne perçoit d’abord que la structure du montage et avant de pénétrer dans la Clairière par une chicane. Après cette première approche, les élèves étaient invités par le médiateur à décrire l’œuvre, à s’interroger sur le sens afin de saisir la démarche artistique de Xavier Veilhan. [ http://www.veilhan.net ]

Enfin, au cours de ce premier mois, les élèves se sont confrontés à la création de leur époque. Ils l’ont perçue, ressentie puis interprétée avec leur propre langage : ils ont ainsi proposé leur vision personnelle de cette Clairière par des images, des mots, des textes ou des articles. Ils l’ont offerte aux regards de l’extérieur, au-delà des murs de la classe, suscitant réactions et discussions.
Ils ont été les acteurs de leurs apprentissages et se sont construit une culture.

Les élèves y exposent leurs recherches sur le musée d’art contemporain, l’artiste, l’œuvre, interviewent les personnes concernées : le régisseur, un médiateur de l’IAC, Arno Piroud, les visiteurs.

Exposition des œuvres de Xavier Veilhan, Sans titre, 1989, Huile sur toile, et, la Clairière, 1998, montage photographique du 4 février au 3 avril 2003 au collège Henri Corbet, Saint-Jean d’Aulps.

Vernissage de l’exposition des travaux d’élèves réalisés lors des interventions d’Arno Piroud, le jeudi 22 mai 2003 à partir de 16 H au collège, Saint-Jean d’Aulps.

Veilhan, c’est fini. Et dire que c’était l’artiste de notre première expo
La Clairière, c’est fini. Je ne crois pas que je la reverrai un jour…

Et pourtant, c’était bien

Lorsque le projet « Réseau Galeries/ Multilangages de l’Art » – médiation de l’œuvre de Xavier Veilhan et intervention d’Arno Piroud – a été accepté, l’objectif était de permettre d’élargir les connaissances artistiques des élèves de manière à ce qu’ils ne rejettent plus systématiquement tout ce qu’ils ne comprennent pas, de découvrir des pratiques et des œuvres contemporaines et de créer une perturbation questionnant la culture locale asservie par les sports d’hiver. La proximité d’œuvres et leur utilisation dans un projet pluridisciplinaire répondaient aux enjeux du passeport culturel, axe fort du projet d’établissement.
Aujourd’hui, nous constatons qu’en tous points, le projet porta ses fruits. Les élèves ont su proposer leurs visions personnelles de cette Clairière au travers des textes et des articles écrits à l’occasion de l’édition du recueil Récits d’expériences. L’action menée par Arno Piroud leur a offert la possibilité d’exposer leurs créations plastiques aux regards de l’extérieur, au-delà des murs de la classe, suscitant réactions et discussions fortes intéressantes.
Cependant une telle expérience globalement positive rencontra quelques petites difficultés. Une des difficultés fut de toucher une population périscolaire et extrascolaire dans un pays alpin en plein milieu de la saison de ski. Une autre fut de motiver des équipes enseignantes (les écoles primaires et le collège) déjà fortement engagées dans d’autres projets, afin qu’elles s’investissent pour de l’art contemporain… Mais à coeur Veilhan, rien d’impossible.


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