Carto graphie(s)

– Voilà une chose que nous avons apprise de votre pays, dit Mein Herr, faire des cartes. Mais nous en avons poussé l’art beaucoup plus loin que vous. À votre avis, quelle serait la plus grande échelle de carte utile ?
– Je dirais un centimètre pour un kilomètre.
– Seulement un centimètre ! s’exclama Mein Herr. Nous avons très vite atteint dix mètres pour un kilomètre. Puis nous avons tenté cent mètres pour un kilomètre. Puis vint l’idée grandiose ! Nous avons réellement fabriqué une carte du pays, à l’échelle d’un kilomètre pour un kilomètre !
– Vous vous en êtes beaucoup servie ? demandai-je.
– Elle n’a jamais été déroulée, dit Mein Herr ; les fermiers ont protesté : ils ont dit que ça couvrirait tout le pays et que ça cacherait le soleil ! Aussi utilisons-nous le pays lui-même comme sa propre carte, et je vous assure que ça marche aussi bien.

Lewis CARROLL, Sylvie et Bruno, 1893, texte traduit de l’anglais par Fanny Deleuze, Édition du Seuil, 1972

En vous emparant des logiques et des codes de la cartographie, vous créerez une composition à dimension cartographique ayant des fins expressives. Comprenez que votre réalisation explore les potentialités de la carte qu’elle soit réelle ou imaginaire. Il est donc utile de solliciter un temps sur les codes et légendes et d’effectuer une mise en projet préalable. La question du support est également prédominante, lequel peut être transformé, érodé avant ou après toute intervention.

Les objectifs de la séquence seront d’amener les élèves à :

  • comprendre, sélectionner et s’emparer des codes de la cartographie pour inventer des mondes,
  • solliciter des effets plastiques à des fins d’évocation / justifier ses choix, présenter son travail en incluant un registre fictionnel.

Cartographie

Le principe majeur de la cartographie est la représentation de données sur un support réduit représentant un espace généralement tenu pour réel. L’objectif de la carte, c’est une représentation concise et efficace reposant sur un code légendé pour rendre compte de la réalité d’une zone géographique.

Rosana RICALDE, Lisbonne, 2008, 2008, papier, colle, 157 × 187 cm

Références artistiques possibles

Thomas MORE, Île d’Utopia, XVIème siècle, gravure. Le mot utopie est formé à partir du grec ou-topos, qui signifie en aucun lieu ou bien lieu du bonheur (du grec eu : bien, heureusement et topos : lieu, endroit).

Nicolas POUSSIN, L’Été, XVIIème siècle, huile sur toile, 118 x 160 cm, Collection du Louvre, Paris.

Piet MONDRIAN, New York Boogie Woogie, 1943, huile sur toile, 127 x127 cm, MoMA (détail en bandeau). Malgré l’abstraction radicale de ses tableaux, Mondrian a toujours gardé un intérêt très vif pour les structures urbaines et pour la musique et la danse modernes. Les rectangles asymétriques de Broadway Boogie-Woogie correspondent à la mélodie syncopée du boogie-woogie, les petites lignes brisées faisant écho aux cascades d’accords brisés de la base rythmique, mais on peut évidemment ajouter que le plan en damier de New York trouve aussi un écho chez un artiste pour qui le motif de la grille a toujours revêtu une grande importance.

Jasper JOHNS, Map, encaustique, huile et collage sur toile, 1961, MoMA.

Mel BOCHNER, Measurement room, à partir de 1969, ruban adhésif noir et lettrage sur mur, dimensions variables.

Alighero e BOETTI, Mappa, tissage, série initiée en 1971.

CHRISTO et JEANNE-CLAUDE, Running Fence, Sonoma and Marin Counties, California, 1972-1976, installation, long rideau en toile de nylon blanc déroulé sur plus de 40 kilomètres au nord de San Francisco,

Pierre ALECHINSKY, Arrondissement, 1983, encre de Chine sur vélin (plan du 10ème arrondissement de Paris), 20,9 x 27 cm, Cabinet d’art graphique, Centre Pompidou, Paris.

Jochem HEINDRICKS, Eye Drawings, 1983, encre sur papier. Un dispositif technique permet enregistrer les mouvements de l’œil lorsqu’il regarde les objets, pour les numériser puis pour les imprimer.

Hamish FULTON, Dauphiné Mountain, Skyline, Vercors, France, 1995, crayon et encre sur papier, 71 x 78 cm, Musée de Valence.

Thomas HIRSCHHORN and Marcus STEINWEG, The Map of Friendship between Art and Philosophy, 2007, carton, papier, feuille de plastique, scotch transparent, feutre, impressions, stylo à bille, 240 x 400 cm.

Mona ATOUM, 3-D Cities, 2008-2009

Mona ATOUM, 3-D Cities, 2008-2009, découpes sur cartes imprimées. Cette installation est un triptyque de cartes des villes de Beyrouth, Bagdad et Kaboul, posées à plat sur des tables. Des cercles ont été délicatement découpés à la surface de ces cartes pour former des zones concaves ou convexes, évoquant des dômes ou des cratères. Ces structures en relief rendent ainsi visibles les séquelles de la guerre et l’empreinte qu’elle a laissé dans la mémoire des habitants. Elles rappellent aussi comment ces 3 ville subissent depuis plusieurs années un cycle permanent de destruction et de reconstruction, à la fois de manière positive et négative.

Jonathan MONK, The World in Jeans and T-shirts, 2008-09, 116,5 x 202,5 cm.

Claude CLOSKY, Mont-Sainte Victoire, 2011, dispositif utilisant Google View.

Rosana RICALDE, Planta do Rio de Janeiro – From the series Invisible Cities, 2011, découpes, 80 x 100 cm.

Céline BOYER, Madeleine, 42 ans, série Empreintes, 2013, photographie sur Dibond, 100 x 150 cm
(Les premières Empreintes en bandeau – celineboyer.com).

Exploration abstraite des villes du monde par le graphiste Jazzberry Blue – jazzberryblue.com

Questionnement(s) :

  • La représentation ; images, réalité et fiction : la ressemblance – le dispositif de représentation – la narration visuelle.
  • L’œuvre, l’espace, l’auteur, le spectateur : l’expérience sensible de l’espace de l’œuvre.

Expérimenter, produire, créer (D1, D2, D4, D5) :

  • Choisir, mobiliser et adapter des langages et des moyens plastiques variés en fonction de leurs effets dans une intention artistique en restant attentif à l’inattendu.
  • Explorer l’ensemble des champs de la pratique plastique et leurs hybridations, notamment avec les pratiques numériques.
  • Prendre en compte les conditions de la réception de sa production dès la démarche de création, en prêtant attention aux modalités de sa présentation, y compris numérique.

Mettre en œuvre un projet artistique (D2, D3, D4, D5) :

  • Faire preuve d’autonomie, d’initiative, de responsabilité, d’engagement et d’esprit critique dans la conduite d’un projet artistique.

Se repérer dans les domaines liés aux arts plastiques, être sensible aux questions de l’art (D1, D3, D5) :

  • Proposer et soutenir l’analyse et l’interprétation d’une œuvre.

D1 Les langages pour penser et communiquer – D2 Les méthodes et outils pour apprendre – D3 La formation de la personne et du citoyen – D4 Les systèmes naturels du monde et l’activité humaine – D5 Les représentations du monde et l’activité humaine


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