D’André The Giant Has a Posse à HOPE

Le médium n’a pas de sens

Entre 1989 et 1997, Shepard Fairey a mené à l’échelle mondiale une « expérience sur la phénoménologie (cf. philosophie). » Le jeune de Providence, scolarisé à l’école de design de Rhode Island, skateur, punk et entrepreneur accidentel cherche à élever au rang d’icône, André Roussimmof alias André The Giant regretté champion de la WWF .

L’objectif de Fairey est alors la quantité, pas la qualité. Après avoir imprimé et distribué plus de 500 000 autocollants d’André (André The Giant Has a Posse) : un autocollant avec tous les défauts d’un dessin trop photocopié, il veut qu’André soit aussi familier que n’importe quel logo. « La publicité me fascine », dit Fairey. « C’est l’avidité pure, sans autre motivation que le profit. Je n’aime pas la publicité, donc ma méthode est d’ouvrir les yeux des gens sur le système en participant au processus. André est tellement ridicule qu’il n’y a rien, mais demeure le processus. »

Dans la déclaration ironique qu’il envoie à ceux qui ne peuvent pas décider si André est une plaisanterie, un culte, ou un ballon d’essai, Fairey écrit : « La phénoménologie tente de permettre aux gens de voir quelque chose qui est juste devant leurs yeux, mais obscurci. La campagne d’autocollants Obey Giant a pour but de stimuler la curiosité et d’amener les gens à se questionner à la fois sur le sticker et sur leur relation avec leur environnement. L’autocollant n’a pas de sens, mais il n’existe que pour amener les gens à réagir, à contempler et à rechercher du sens. »

Son travail se sert des gens, des symboles, et des gens comme des symboles pour déconstruire la puissance visuelle et émotionnelle utilisée pour manipuler et endoctriner. Il n’y a pas d’affiliation politique précise derrière ce qu’il fait, rien d’autre que la philosophie du « tout remettre en question ».
Shepard Fairey utilise aussi le mot OBEY (obéir) comme une forme de psychologie inversée. Bien que la plupart des gens souhaitent être indépendants, nombreux suivent docilement le chemin de la moindre résistance et sont mal à l’aise face au mot . D’autant plus déconcertant que le mot « obéir », lorsqu’il n’est pas rattaché à un autre ordre, ne pose aucune menace au-delà de forcer le spectateur à faire face à leurs sentiments au sujet de l’obéissance.

Un tel détournement culturel (culture jamming) est une proposition coûteuse, tellement coûteuse que Shepard Fairey a choisi de transformer sa démarche artistique en une entreprise. Avec des centaines de milliers de ses autocollants déjà collés dans la rue sur les panneaux, sur les lampadaires, sur les planches à roulettes et partout dans le monde, Fairey a transformé son André en « marque » pour une ligne de vêtements et de planches à roulettes vendues sous son propre label Giant.

L’aventure de la start-up aurait été approuvée par Andy Warhol. « Je n’ai jamais réalisé un bénéfice, mais je suis de plus en plus important », dit Fairey de son incursion dans le business de la mode. « Je suis dans une position délicate : je suis assez grand pour soutenir la concurrence, mais pas assez pour obtenir la grande distribution. Et je suis trop gros pour être pris en charge par l’underground. »

Fairey rit de bon cœur à ce paradoxe. « J’essaie de maintenir un équilibre entre la crédibilité underground et le succès commercial. Mes T-shirts se vendent à 20 dollars dans les magasins où je n’avais jamais mis les pieds. Il existe de nombreux paradoxes qui vont avec André, il hausse les épaules, mais c’est une des raisons pour lesquelles il travaille. »

L’image d’une campagne présidentielle

Shepard Fairey a créé une série d’affiches en soutien à la candidature de Barack Obama à l’élection présidentielle de 2008, ainsi qu’un design pour la campagne Rock the Vote. Le 5 novembre 2008, la ville de Chicago a installé des bandeaux avec le portrait HOPE le long des rues ceinturant le quartier des affaires du centre-ville, avec la mention « Félicitations au Chicagoan Barack Obama, président-élu des États-Unis d’Amérique ». Fairey a aussi créé Change et Vote, deux images supplémentaires pour la campagne Obama. Dans de nombreuses interviews, il a indiqué que l’affiche originelle disait PROGRESS mais que l’équipe de campagne l’avait contacté pour le remplacer par un message plus en ligne avec celui de la campagne. Fairey a distribué à ses frais 300 000 autocollants et 500 000 affiches pendant la campagne, se finançant par la vente d’affiches et de dérivés.

Barack Obama lui a envoyé une lettre de remerciements pour son soutien : « Je veux vous remercier d’avoir utilisé votre talent au service de ma campagne. Vos messages politiques ont encouragé les Américains à croire qu’ils pouvaient changer le statu quo. Vos images ont un effet profond sur les gens, qu’elles soient vues dans une galerie ou sur un panneau indicateur. C’est un privilège pour moi d’avoir été l’objet de votre travail d’artiste et une fierté d’avoir eu votre soutien. »

TIME Magazine a commandé à Fairey le portrait d’Obama utilisé en couverture du numéro consacré à la « personnalité de l’année 2008 ». Cette image a aussi été utilisée en couverture du numéro de février 2009 d’Esquire Magazine. GQ Magazine a désigné Fairey parmi ses hommes de l’année, pour l’influence qu’il a eue sur l’élection. En janvier 2009, l’US National Portrait Gallery a acheté l’image originale HOPE pour sa collection permanente. Shepard Fairey a réalisé BE THE CHANGE, une affiche officielle de l’investiture du président-élu le 20 janvier 2009.

PS : Après diverses recherches sur l’origine de la photographie à la base du travail de l’affichiste, on a conclu que l’affiche HOPE était basée sur une photographie prise en avril 2006 par Mannie Garcia.

Le billet au format pdf : Shepard_Fairey

Sources :
http://obeygiant.com/
http://fr.wikipedia.org/wiki/Shepard_Fairey


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