Selfiction

Au préalable les élèves sont invités à apporter un selfie maison.
Présentez (analysez) quelques selfies.
Quels sont les codes récurrents ? Quels éléments caractéristiques retrouve-t-on ?

Questions :
En quoi un selfie n’est-il pas un autoportrait ? Dans quelle mesure un autoportrait peut-il être fictionnel ? Une photographie montre-t-elle toujours le réel, la réalité ?
Quel écart existe-t-il entre la photographie et la réalité ? Une photographie peut-elle être fictionnelle ?

Réalisez une photographie qui donne sens au terme : « selfiction ».
Préalablement, analysez le terme « selfiction » sous la forme d’une carte heuristique et effectuez des recherches sur l’autoportrait. Concevez votre projet sans oublier de l’accompagner de croquis.

Objectifs d’apprentissage :
Questionner la réalité de l’image.
Aborder les codes/ conventions/ normes, la nature, fonctions/ finalités (publication) d’une image.

George HARRISON, Fisheye self-portrait in India, septembre 1966

Références possibles :

  • Le CARAVAGE, Narcisse, vers 1597-1599, huile sur toile, 110 x 92 cm, galerie nationale d’art ancien, Rome
  • Hippolyte BAYARD, Autoportrait en noyé, octobre 1840, premier autoportrait exploité comme une fiction
  • Christian BOLTANSKI, Dix portraits de Christian Boltanski, photographies, 1972
  • Cindy SHERMAN, Untitled Film Still, photographies, 1978
  • Gordon DOUGLAS, Monster, diptyque photographique, 1997
  • Philippe RAMETTE, L’ombre de moi-même, installation, 2006
  • Nina KATCHADOURIAN, Lavatory Self-Portraits in the Flemish Style, photographies, 2010
  • Roman OPALKA, Autoportraits 1965/ 1 – ∞,  photographies, 1965-2011
  • Aki HOSHIDE, Space selfie, 5 septembre 2012
  • Barack OBAMA & David CAMERON, Selfie à la cérémonie d’hommage à Nelson MANDELA, 11 décembre 2013
  • Olivia MUUS, Selfie museum, série photographique contemporaine, 2014

Mots clés :
cadrage, limite(s), autoportrait, mise en scène, fiction, point de vue, profondeur de champ/champ/hors champ, code/convention/norme/cliché/stéréotype, égo-portrait.

(Sujet proposé sur le site académique de Grenoble par Chantal Ferrand et Romuald Masset)


Introduction du portrait dans l’histoire de l’art classique

Le portrait et ses différents médiums : peinture, dessin, sculpture.
L’évolution du portrait : le portrait religieux qui représente le divin donc le non visible, les portraits royaux, les portraits bourgeois…
Les liens avec l’autobiographie et son développement au XIXe siècle en relation avec les sciences humaines.
Les évolutions technologiques et créatives, la photographie et son principe de reproduction, la vidéo.
Le portrait questionne l’identité et interroge le concept de la représentation.

En quête de soi

Les avant-gardes ont œuvré à l’édification d’un monde nouveau et ont relégué au second plan le sujet : le motif autant que l’individu. Dans l’après-guerre, temps des failles et de la désillusion, on tente de reconstruire le monde autour de l’homme, celui qui s’exprime comme celui qu’on représente. On constate un retour dans les œuvres à des formes qui révèlent un rapport au monde individualisé.
Photographie et psychanalyse transforment radicalement les enjeux du portrait, interrogent la fonction d’identité et exhibant les conflits internes qui tiraillent l’individu et menacent son intégrité.

Autoportrait

Apparu à la fin du Moyen Âge, ce genre obéit pour l’artiste à des motivations diverses : pallier l’absence d’autre modèle, se présenter dans une position sociale, sonder le mystère de son être.
Dans le prolongement de cette tradition, Picasso multiplie les représentations du peintre au travail face à son modèle, mêlant souvent l’autoportrait professionnel à l’intimité de la relation amoureuse.
Francis Bacon tente de saisir la matière mouvante de son propre visage.
Beckmann avec ses 80 autoportraits réalisés entre 1899 et 1950 se situe dans la filiation de Rembrandt : la vision qui se dégage de l’ensemble est celle d’une existence frappée de discontinuité, d’un individu aux prises avec les aléas de l’histoire et avec ses propres troubles.
En 1948-49 Warhol se dessine avec un doigt dans le nez, corrigeant ironiquement ce visage qu’il n’a pas choisi.  » Si vous voulez tout savoir sur Andy Warhol, vous n’avez qu’à regarder la surface de mes peintures, de mes films, de moi. Me voilà. Il n’y a rien dessous. « .
Orlan et sa pratique artistique : transformation de son corps, prothèses (lien avec la performance et le corps de l’artiste).

Double  » je « 

S’inventer un double et s’observer peut fournir un moyen d’assumer les multiples facettes de sa personnalité.
Chez Ernst dans un cycle de collage au début des années 30, il représente la figure de Loplop alias Hornebom alias Max Ernst. Par ce jeu d’identification, les frontières du sujet s’estompent.
Le dédoublement, l’artifice seul permet encore le portrait par une mise à distance. L’artiste est dans son œuvre, sans toutefois y être totalement.
Les artistes Gilbert & George cultivent également l’ambiguïté avec leurs ressemblances vestimentaires et physiques et multiplient les effets de permutation dans leurs compositions photographies fondées sur la répétition et la symétrie.

Jeux de genres et jeux de rôles

Duchamp s’invente un double féminin Rrose Sélavy et affuble La Joconde de moustaches.
Pierre Molinier dans la mouvance surréaliste poursuit avec ses photographies une identité morcelée : il s’y compose un personnage androgyne.
Dans ce travail sur soi passant par la métamorphose du corps : dès lors ce n’est plus tant l’identité qui est questionnée (quoique le visage soit recouvert de peinture comme chez Bruce Nauman) mais l’existence physique.
L’œuvre de Cindy Sherman prise dans son ensemble se présente comme une vaste galerie de personnage et de rôle qu’elle-même campe au prix de déguisements qui la rendent plus ou moins méconnaissable. Caméléon, elle arpente les scènes de la peinture ancienne, les films hollywoodiens, suggérant des bribes de narration laissées en suspens. Ce goût du travestissement ramène aux déguisements de l’enfance n’en est pas moins inquiétant par la scission de la personnalité qu’il suggère.
Bruce Nauman quand il se filme en train de faire des grimaces, se moque autant de lui même que de la croyance dans le pouvoir de transformation de l’art.
Les vidéos de Pierrick Sorrin le montrent dans des situations inconfortables voir grotesques et dénigrent la figure de l’artiste.

Mythologies personnelles et enquêtes de soi

Le nouveau roman est un nouveau type de narration où l’auteur ancre son récit dans le quotidien et se consacre à traduire une réalité psychologique que le personnage classique est devenu incapable de contenir.
Des artistes s’approchent de cette conception du récit, comme on le voit dans les biographies fictives construites de Boltanski ou d’Annette messager. Ils travaillent sur des données personnelles si communes que chacun peut y reconnaître une part de lui-même (enfance, image sociale de la femme…).
Valérie Mréjen réalise des films, elle fait des portraits en demandant à des personnes de raconter leurs histoires qui font écho à la sienne (en lien avec ses origines).

Auto-fictions

Sophie Calle et son œuvre plus évidemment autobiographique fonctionnent sur des transferts d’intimité (Douleur exquise, No sex last night…).
La photographe Nan Goldin rassemble depuis 1969 les pièces d’une autobiographie photographique : ses images documentent crûment sa vie intime et celle de son entourage.
Joel Bartoloméo enregistre en vidéo ses relations avec sa famille et son quotidien.
La distance entre l’art et le réel s’amenuise jusqu’à disparaître (relation également avec la littérature française actuelle : Angot…)
Liens également avec les vidéos faites par des amateurs en ligne sur internet (dailymotion, youtube…).

Le portrait et la réalité

Le réalisme du portrait interroge ce qui nous nous détermine ? Notre physique, notre nom, l’endroit où nous sommes nés, là où l’on vit ?
Écart entre ce que nous croyons être, ce que nous voulons être, ce qu’autrui perçoit de nous : histoire de voir et d’être vu.
Le portrait dans notre société
Photographie d’identité nécessaire sur nos papiers pour nous  » reconnaître « .
Le portrait robot.
L’identité personnelle et collective : aujourd’hui nous vivons dans un système de surveillance : vidéosurveillance avec les caméras dans les espaces publics, le fichage avec les téléphones portables et cartes bancaires.
Relation au voyeurisme et son retentissement dans les médias (la télé-réalité).


  • Questionnements :
    La représentation ; images, réalité et fiction : la ressemblance – le dispositif de représentation – la narration visuelle.
  • Expérimenter, produire, créer (D1, D2, D4, D5) :
    Choisir, mobiliser et adapter des langages et des moyens plastiques variés en fonction de leurs effets dans une intention artistique en restant attentif à l’inattendu.
    Prendre en compte les conditions de la réception de sa production dès la démarche de création, en prêtant attention aux modalités de sa présentation, y compris numérique.
  • Mettre en œuvre un projet artistique (D2, D3, D4, D5) :
    Concevoir, réaliser, donner à voir des projets artistiques, individuels ou collectifs.
    Mener à terme une production individuelle dans le cadre d’un projet accompagné par le professeur.
  • S’exprimer, analyser sa pratique, celle de ses pairs, établir une relation avec celle des artistes, s’ouvrir l’altérité (D1, D3, D5) :
    Dire avec un vocabulaire approprié ce que l’on fait, ressent, imagine, observe, analyse ; s’exprimer pour soutenir des intentions artistiques ou une interprétation d’œuvre.
    Expliciter la pratique individuelle ou collective, écouter et accepter les avis divers et contradictoires.
  • Se repérer dans les domaines liés aux arts plastiques, être sensible aux questions de l’art (D1, D3, D5) :
    Prendre part au débat suscité par le fait artistique.

D1 Les langages pour penser et communiquer – D2 Les méthodes et outils pour apprendre – D3 La formation de la personne et du citoyen – D4 Les systèmes naturels du monde et l’activité humaine – D5 Les représentations du monde et l’activité humaine


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