Utilisez la photographie comme une arme !


Der Sinn von Genf (La Signification de Genève), John Heartfield, 1932

John Heartfield (1891-1968)

Acteur du très politique groupe dadaïste de Berlin avec George Grosz, John Heartfield s’illustre rapidement dans les photomontages qu’il inscrit dans la grande tradition satiriste. Témoin des crises successives qui secouent la République de Weimar jusqu’à l’arrivée du Nazisme, il dénonce, par le biais de la presse communiste (AIZ), les compromissions politiques et les coups de force qui amenèrent Hitler au pouvoir. Parallèlement, John Heartfield mène une véritable guerre de communication contre l’obscurantisme et la propagande nazie, désignant avec virulence les atteintes successives aux libertés et aux personnes. Ses positions lui valent d’être menacé, puis contraint à s’exiler pour Prague en 1933, comme de nombreux artistes et intellectuels. Il continue toutefois de livrer régulièrement ses photomontages. L’annexion de la Tchécoslovaquie en 1938 contraint Heartfield à un second exil vers Londres. Depuis son adhésion au Parti Communiste Allemand en 1919, Heartfield n’a cessé de servir la cause révolutionnaire, mettant l’ensemble de sa production artistique au service du combat politique sous le slogan : »Utilisez la photographie comme une arme ! ». Une arme qu’il dirige contre l’ordre nazi avec un talent qui le place aussi bien aux côtés des plus grands caricaturistes comme Daumier que parmi les pionniers des avant-gardes artistiques. Ses œuvres n’ont rien perdu de leur puissance évocatrice et beaucoup d’entre elles ont acquis une valeur de symbole universel de la lutte contre l’oppression.


Der alte Wahlspruch im « neuen Reich » : Blut und Eisen (La vieille devise du « nouveau Reich » : Sang et fer), John Heartfield, 1934


Wie im Mittelalter… so im Dritten Reich (Au Moyen Âge… comme dans le Troisième Reich), John Heartfield, 1934

Le mot « dada », trouvé au hasard dans les pages d’un dictionnaire « ne signifie rien » mais exprime au mieux l’essence du mouvement. Néanmoins, avant la découverte du mot et la création à Zürich du célèbre Cabaret Voltaire, où eurent lieu les principaux événements dada, « l’esprit dada », comme le nomment les critiques, existait déjà à Paris et New York dans les activités de Marcel Duchamp, Francis Picabia, Man Ray ou du poète Jacques Vaché. S’attaquant au rationalisme et aux valeurs du 19e siècle, reflet d’une culture bourgeoise qui conduit au grand carnage de la Première Guerre mondiale, Tristan Tzara, dans son Manifeste Dada 1918, prône le principe de contradiction, le paradoxe, le non-sens, à l’enseigne du mouvement de la vie. Si Dada refuse la logique, ce n’est pas dans un simple cri de révolte qu’il s’exprime, mais par des œuvres d’art, même si elles se donnent comme anti-art. « L’artiste nouveau proteste : il ne peint plus/ reproduction symbolique et illusionniste/ mais crée directement en pierre, bois, fer, étain, des rocs des organismes locomotives pouvant être tournés de tous les côtés par le vent limpide de la sensation momentanée », affirme Tzara dans son Manifeste qui, assumant la contradiction, se dit « contre les manifestes ». Les dadaïstes libèrent l’art de la soumission à un sens préétabli, ils libèrent les matériaux, la langue et toutes les formes d’expression plastique et verbale.


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